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  • Contre la cécité volontaire


    n ce temps-là - premières décennies du XXIe siècle -, l'absurdité le disputait à la barbarie. En France, dans les écoles, les classes de plus de trente élèves rendaient l'enseignement quasi impossible, sauf pour quelques privilégiés. Les ouvriers vivaient sept ans de moins que les cadres, et lorsqu'une canicule un été survint, 15 000 vieux, parmi les plus pauvres, moururent parce que personne n'était là pour leur donner à boire ; cela fut vite oublié.
    Peu de jours se passaient sans que l'on annonçât un suicide parmi les détenus (et parfois même leurs surveillants) dans les prisons surchargées. Les hôpitaux gérés comme des entreprises, et se devant d'être "rentables", étaient l'objet d'évaluations, de classements, dont l'effet pervers ne se faisait pas attendre : les "meilleurs" services étaient ceux où la durée de séjour était le plus courte, ce qui incitait à une sélection des patients.

    A la même époque, les Africains vivaient trente ans de moins que les Européens, 200 millions d'enfants sur la planète travaillaient comme des esclaves, 6 millions d'entre eux mourant chaque année de dénutrition. De tout cela, bien des citoyens certes s'indignaient mais la plupart, comme atteints de cécité volontaire, préféraient - tels les biologistes soviétiques qui jadis avaient nié les données de la génétique - vivre dans la méconnaissance de faits qui auraient pu les déranger.

    Concernant le "déni de réalité", il est de nos jours, on le sait, un sujet souvent posé au bac : "commentez les phrases historiques prononcées par la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, Christine Lagarde, le 10 juillet 2007 à l'Assemblée nationale : "Entre l'égalité de tous sur la ligne de départ et les performances de chacun à l'arrivée, le travail fait de l'individu le seul responsable de son propre parcours (...). Cessons d'opposer les riches et les pauvres (...). La lutte des classes, cette idée n'est plus d'aucune utilité pour comprendre notre société.""

    La population vivait ainsi dans une sorte d'anesthésie entretenue par les quatre heures quotidiennes que chacun consacrait aux grands médias. A la télévision notamment, "l'arme absolue" disait Georges Pompidou. Elle était partout, offrant - et pas seulement aux esseulés - un groupe imaginaire, une famille à laquelle on appartiendrait à condition d'en respecter les règles, le ton. Sur les plateaux, un sourire permanent était de rigueur, le temps de parole était bref, impliquant une simplification appauvrissante des sujets les plus complexes.

    Une débilité lisse en somme, la plupart du temps, qui pouvait entraîner à la longue, on le découvrit après une enquête médicale, un risque accru d'apparition d'une maladie d'Alzheimer. Dans ces médias, les informations essentielles étaient rendues quasi imperceptibles parce qu'elles étaient précédées par un fait divers bouleversant et suivies par des résultats sportifs, d'autant plus excitants que partout régnait l'idéologie du "gagneur".

    Ce dont la personnalisation du politique était d'ailleurs imprégnée. Le visage, la mimique des présentateurs parachevaient le détournement d'attention indispensable à ce numéro d'escamotage. Un procédé assez proche de ce qu'Eisenstein nomme "un montage pathétique". Et c'est bien dans une sorte de montage que chacun était ainsi enfermé, où les affects jouaient, entre les plans, le rôle de joints, de raccords innombrables et inapparents.

    Autant de serrures assurant la séquestration dans un piège où même les plus avertis se laissaient prendre. Car l'idéologie dominante est un montage subtil, insidieux, à la fois objectif et producteur de subjectivité. Une prison sans paroi visible qui se donne pour indépassable. Or, de cela, certains avaient si peu conscience que l'on parlait à l'époque de "fin de l'histoire", alors qu'on n'était pas encore sorti de la préhistoire. Les conservateurs traitaient donc les progressistes d'idéalistes, de rêveurs, voire d'utopistes dangereux, puisque bien des révolutions avaient jusqu'ici dramatiquement échoué. Pour se délivrer de ce boulet qu'ils traînaient depuis près d'un siècle - le stalinisme, le maoïsme -, les responsables de la gauche se décidèrent à en faire une analyse diagnostique de fond pour que jamais plus ne se renouvellent ces dérapages meurtriers.

    La difficulté était que les partis progressistes, auxquels le suffrage universel aurait dû, étant donné la réalité sociale, apporter de légitimes victoires, étaient stupidement divisés. Une certaine vision du monde, pourtant, un discours clair, auraient pu les réunir au-delà de leurs querelles stériles. Celle, par exemple, entre "révolutionnaires" et "réformistes", le premier de ces vocables, appelant immanquablement l'image de désordres sanglants, bien sûr terrifiait, tandis que le second, synonyme de mollesse, voire de trahison, suscitait volontiers le mépris.

    La réalité était en fait que tout changement véritable est radical, et que cette radicalité ne suppose nullement la violence mais exige à coup sûr une conviction forte, rigoureusement argumentée. Donc mobilisatrice. Obtenus ainsi grâce à un vigoureux mouvement social, les acquis du Front populaire en 1936, la Sécurité sociale en 1945, avaient apporté un réel changement de la vie même, qui aurait pu n'être qu'une première étape.

    La sortie de ce mauvais film dans lequel on était malgré soi incarcéré avait commencé lorsque, la gauche étant redevenue de gauche, pugnace et imaginative à la fois, les pauvres avaient cessé de voter à droite - ou de s'abstenir. Marx, posthume Prix Nobel d'économie en 2012, avait eu raison en ce qui concerne le capitalisme et ses crises : on ne moralise pas une logique, celle des vautours. Il avait sans doute eu tort en revanche quand, évoquant avant tout le rôle des infrastructures économiques, il semblait sous-estimer la force des mots (et par exemple des siens propres...).

    Agnès Guillemot, la monteuse de Godard, lorsqu'on l'appelait au secours d'un film abîmé par un montage médiocre et qu'elle cherchait à retrouver un sens perdu, visionnait soigneusement tous les rushes, et récupérait même parfois ceux qui avaient semblé inutiles. Le travail du rêve, de même, invente des agencements inédits à partir de possibles avant lui inaperçus. On découvrit ainsi que le cauchemar vécu par les humains jusque dans les premières décennies du XXIe siècle était dû à une maladie non encore diagnostiquée.

    La maladie de la valeur vénale qui à partir de marchandises devenues folles avait contaminé les humains, envahissant leurs pensées, leurs désirs et jusqu'à l'image qu'ils avaient d'eux-mêmes, dans un univers triché, insolemment inégalitaire, exclusivement voué au profit et régi par l'argent. Tout y était évalué, classé et classant, ce qui résumait le sens même, pauvre à pleurer, de ce montage délirant. On n'a pas bien compris à vrai dire, rétrospectivement, comment cette abomination avait pu prendre fin. La seule chose dont on soit sûr, c'est que l'éducation et les médias devinrent l'objectif résolument prioritaire. Le but d'un projet éducatif qu'on ne peut ici qu'esquisser était que l'école ne soit plus une machine à déprimer, mais qu'on y trouve au contraire les concepts et les mots qui permettent de résister à la violence symbolique, à la manipulation.

    Bref, de se libérer d'une angoisse en en démontant le mécanisme. On convint également d'enseigner l'histoire des innovations scientifiques et artistiques, chacune illustrant à sa manière le courage requis lorsque, minoritaire, on s'oppose à la pensée d'un groupe. Quant aux médias, leurs rythmes, leurs montages illusionnistes finement analysés par le cinéaste anglais Peter Watkins, il fut décidé de n'en laisser passer aucun plan, aucun raccord. Les informations, si souvent erronées mais enrobées dans un jargon intimidant, assénées avec aplomb par des "experts" conservateurs, devaient être soumises au crible d'une analyse serrée par les journalistes eux-mêmes, ce à quoi certains "observatoires des médias" avaient déjà ouvert la voie.

    Ce détricotage patient, sans doute fut-il essentiel pour contrecarrer la fabrication de l'opinion par les médias, médias dont il fut unanimement convenu - pour en finir avec l'autocensure apeurée - de défendre, bec et ongles, l'indépendance à l'égard de tout pouvoir, financier ou politique. C'est alors seulement que reprit un sens le passage dans des isoloirs : il ne s'agirait plus désormais de cautionner par un vote apparemment libre des idées imposées au fil d'un formatage entretenu pendant des années.

    Tout le monde, et notamment les intellectuels, avait participé à ce travail obscur, obstiné, inflexible, de déverrouillage de la pensée. L'indispensable préliminaire.


    Ecrivain et professeur de médecine

    Auteur d'essais et de fictions, a reçu en 2001 le prix Psyché pour son livre "Heidegger, Primo Levi et le séquoia. La double inconscience" (Gallimard). Ses derniers ouvrages, "La Syncope de Champollion, entre les images et les mots" et "Quelle petite phrase bouleversante au coeur d'un être ?", sont parus chez Gallimard respectivement en 2003 et 2005


    Max Dorra
    Article paru dans l'édition du 28.06.09
  • Préservatif : ce que le pape a vraiment dit

    VERBATIM

    Voici, in extenso, les propos de Benoît XVI sur le préservatif qui ont suscité une polémique mondiale.


    Voici la version française des paroles du souverain pontife, telle qu'elle est rapportée sur le site officiel du Vatican:

    «Nous donnons à présent à nouveau la parole à une voix française: c'est notre collègue Philippe Visseyrias de France 2.

    – Votre Sainteté, parmi les nombreux maux qui affligent l'Afrique, il y a également en particulier celui de la diffusion du sida. La position de l'Eglise catholique sur la façon de lutter contre celui-ci est souvent considérée comme n'étant pas réaliste et efficace. Affronterez-vous ce thème au cours du voyage?

    –Je dirais le contraire: je pense que la réalité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte conte le sida est précisément l'Eglise catholique, avec ses mouvements, avec ses différentes réalités. Je pense à la Communauté de Sant'Egidio qui accomplit tant, de manière visible et aussi invisible, pour la lutte contre le sida, aux Camilliens, et tant d’autres, à toutes les sœurs qui sont au service des malades.

    Je dirais qu'on ne peut pas surmonter ce problème du sida uniquement avec de l’argent, pourtant nécessaire. Si on n'y met pas l'âme, si les Africains n'aident pas [en engageant leur responsabilité personnelle], on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs: au contraire, ils augmentent le problème.

    La solution ne peut se trouver que dans un double engagement: le premier, une humanisation de la sexualité, c'est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui apporte avec soi une nouvelle manière de se comporter l'un envers l'autre, et le deuxième, une véritable amitié également et surtout pour les personnes qui souffrent, la disponibilité, même au prix de sacrifices, de renoncements personnels, à être proches de ceux qui souffrent. Tels sont les facteurs qui aident et qui conduisent à des progrès visibles.

    Je dirais donc cette double force de renouveler l'homme intérieurement, de donner une force spirituelle et humaine pour un juste comportement à l'égard de son propre corps et de celui de l'autre, et cette capacité de souffrir avec ceux qui souffrent, de rester présents dans les situations d'épreuve. Il me semble que c'est la juste réponse, et c'est ce que fait l'Eglise, offrant ainsi une contribution très grande et importante. Nous remercions tous ceux qui le font.»

    NB: Au début était le Verbe papal. Dans l’avion qui le conduit au Cameroun, Benoît XVI répond en italien à six questions - connues à l’avance - de journalistes internationaux. Il n’a donc pas été piégé.

    Selon Le Monde et La Croix, une version corrigée du texte a été distribuée, deux jours après les déclarations du Pape, par le Bureau de presse du Saint-Siège.

    Les deux phrases suivantes y ont été modifiées:

    — «Je dirais que l’on ne peut vaincre ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires»

    — «S’il n’y a pas l’âme, si les Africains ne s’aident pas, on ne peut résoudre ce fléau en distribuant des préservatifs: au contraire, cela risque d’augmenter le problème».

    Cette version «améliorée» n’est apparemment plus disponible.

    Libération, Société 23/03/2009

  • De l'illusionnisme en politique

    L'escamotage de la réalité est un tour comme un autre. Abécédaire favori des prestidigitateurs

     

    ngoisse. Sentiment répandu et inavoué. Peur sans objet, nous dit-on, et d'évoquer mystérieusement l'« angoisse existentielle », l'« angoisse métaphysique ». L'angoisse (terme pudique : le « stress ») est le plus souvent provoquée par un truquage délibérément intimidant visant à faire resurgir chez un adulte l'enfant dépendant qu'il a un jour été. C'est par ce mauvais tour que les pouvoirs exercent leur domination. Mais l'angoisse est également le signe que l'on est vivant et que l'on se bat. Cette pièce majeure de l'illusionnisme en politique ne fait malheureusement l'objet d'aucune pédagogie. Voir Pouvoir, Servitude volontaire, Stalinisme.

     

    Bourdieu. Sociologue haï comme le sont immanquablement ceux qui révèlent les secrets d'un tour.

    Charismatique. Qualifie les individus qui ont du « charisme » : le don, conféré par grâce divine, de faire des miracles. Accepter d'utiliser ce terme, c'est reconnaître que l'on peut être subjugué, donc déjà dans la servitude. Voir Servitude volontaire.

    Clivage gauche-droite. « Découpage manichéen de la réalité », disent certains. Il suffit de regarder la répartition des votes dans les différents arrondissements de Paris un lendemain d'élection. Alors apparaît effectivement un manichéisme, hélas ! réel. Tragique. Car si « la gauche n'a pas le monopole du coeur », la droite a toujours eu le coeur des monopoles.

    Complexité. « Le problème est plus complexe. » Cette phrase est toujours vraie quand elle concerne la réalité d'un individu, la musique d'un être. Elle est erronée - et trompeuse - quand elle s'applique aux antagonismes sociaux et aux crises financières. Mais aussi à la faim dans le monde, indignité qu'un pourcentage infime des crédits récemment alloués au système bancaire aurait pu depuis longtemps abolir.

    Détournement de l'attention. Procédé classique de l'illusionnisme. Il y a un art d'anesthésier l'opinion grâce aux sports et aux faits divers. Deux pages sur les déconvenues d'une nageuse et un entrefilet pour le suicide (un de plus) d'un jeune détenu, ce jour-là, à Fleury-Mérogis.

    Dialogue social. Expression apparemment neutre jetant un voile sur les rapports de force et l'évidente asymétrie entre les « partenaires sociaux ».

    Génération C'est un conflit de ->. Façon de parler dissimulant le plus souvent la nature véritable d'une contradiction. Ne pas oublier que Pétain et Rimbaud étaient de la même génération. Heidegger : « C'est le plus grand philosophe du XXe siècle », nous assène-t-on parfois. Heidegger, toute sa vie, a médité sur « l'être », mais n'a jamais parlé de la dépression. Il a traité de l'angoisse, mais Hitler ne l'angoissait pas. Etonnant, non ?

    Illusion groupale. Des individus peuvent, dans l'ambiance d'un groupe, comme sous hypnose, perdre tout contrôle. Echappant aux classifications universitaires, le périlleux effet de groupe est volontiers méconnu dans l'explication des génocides et des meurtriers dérapage des révolutions au XXe siècle. Ce danger n'est pas moindre de nos jours sur Internet.

    Inné/acquis. L'échec scolaire, le suicide des chômeurs ? Prédisposition génétique, nous affirment doctement certains conservateurs. Escamotées les inégalités sociales. Passez, muscade !

    Libéralisme. C'est le plus beau tour de la prestidigitation politique. Il consiste pour un conservateur à faire passer subrepticement la liberté de la main gauche à la main droite. Et, mine de rien, d'évoquer ainsi les libertés acquises à l'issue de rudes combats, libéralisme politique comme la « liberté » du libéralisme économique, celle « du renard libre dans le poulailler libre », métaphore inusable. Les « crises financières » n'ont rien de mystérieux : c'est le bluff du renard soudain démasqué.

    Logique fallacieuse. Exemple : « Tous les juifs sont riches », croyance folle reposant sur un sophisme meurtrier bien démonté par la marionnette de Woody Allen aux « Guignols de l'info ». « Tous les juifs riches sont juifs. Tous les juifs riches sont riches. Donc, tous les juifs sont riches. » Les mêmes joueurs de bonneteau « démontreraient » bien entendu de la même façon que « tous les musulmans sont fanatiques ».

    Mixité sociale. Il y a une façon de feindre de mélanger les cartes tout en en préservant l'ordonnancement, condition de la réussite du tour. Ainsi se perpétuent ségrégation sociale et inégalité des chances au départ. Voir Clivage gauche-droite.

    Pouvoir. C'est la capacité d'angoisser, définition qui permet de réunir les pouvoirs économiques, religieux et la domination masculine. Mais c'est aussi l'art d'émerveiller, ce qui fait de l'homme, roseau croyant, une proie facile pour tous les charlatans. Voir Angoisse, Charismatique.

    Radicalité. Rigueur dans l'analyse. Il est indispensable d'être radical. La violence signe un échec de la radicalité. La tranquillité inflexible de Spinoza était la conséquence et la preuve de sa radicalité. Lors des mouvements révolutionnaires, la terreur indique que les individus qui ont pris le pouvoir n'ont pas réussi à se délivrer de la barbarie dont ils étaient auparavant les victimes - puisqu'ils l'imitent. Ils n'étaient donc pas assez radicaux. De même, la résurgence du racisme, de l'antisémitisme, est un marqueur précieux indiquant qu'une démarche progressiste se dévoie. Voir Stalinisme. Rythme. Le rythme, si contagieux, est l'objet d'un combat. Il y a lutte des rythmes entre les êtres, lutte pour les cadences dans les entreprises. Sur les médias, c'est en imposant un rythme qu'un interviewer enferme son « invité » dans une certaine problématique. Rares sont les responsables politiques qui savent y résister. Sciences humaines. Découpage universitaire, source de périlleuses méconnaissances parce qu'il fétichise la scientificité et qu'il morcelle le savoir. Servitude volontaire. Pieusement invoqué, rarement discuté, ce concept de La Boétie est pourtant dénué de sens. Quelle volonté reste-t-il à un être sous la domination d'un pouvoir qui, pour se maintenir, angoisse ou déprime ceux qu'il assujettit ? Stalinisme, maoïsme, etc. Application mécaniste d'un pseudo-marxisme conservé dans le formol, où l'on enseignait notamment que la lutte des classes est le moteur de l'Histoire sans préciser que les fantasmes, l'angoisse des individus sont le carburant de ce moteur.

    Violence. On ne naît pas violent, on le devient. Et ce d'autant que l'on a moins de mots à sa disposition pour exprimer une révolte. L'angoisse, un sentiment d'humiliation sont presque toujours la face cachée d'une violence que les Taser ou les Flash-Ball ne font que redoubler. Combattre efficacement la violence, c'est avant tout la prévenir. Ni « naïveté » ni « tolérance zéro », être radical, c'est prendre les choses à la racine, c'est-à-dire à l'enfance. Diminuer drastiquement par exemple, dès la maternelle, le nombre d'élèves par classe. Que les rentrées soient moins blêmes. Les grands soirs passent par les petits matins.

    Max Dorra
    Le Monde, Article paru dans l'édition du 27.12.08