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inventaire invention

  • Laurent Mauvignier_Plus sale_Inventaire Invention_2004

    « Ce n’est pas encore le temps des soubresauts ni de cette lutte qui les a portés l’un vers l’autre, qui l’a porté, lui, vers cet autre corps. Mais ce n’est plus le temps de se dire qu’il est vain de chercher à résoudre dans un corps qu’on ne connaît pas ce qui tient dans la tête, l’hallucination qui consume toute paix et travestit les promesses en vertige, tempes et front brûlants, en peur aussi, quand les silhouettes se cherchent dans la nuit, derrière les cigarettes et les pas lents qui tournent sur le gravier, près des hangars et sur les trottoirs des grands boulevards. Il n’est plus temps, puisqu’ils sont là tous les deux, face à face, de se dire que le corps ne délivre pas du désir du corps. Ni de se demander, qu’est-ce qu’il peut, mon corps, quand je vais le charrier dans les draps et sous les ponts, quand je vais le livrer avec l’illusion d’oubli et la peur de la mort si forte qu’aussi forte alors ma solution c’est de m’y jeter, entre les cuisse de celles que leurs maris regardent s’épanouir sous les coups qu’on jette à tour de rôle, s’enfonçant là où d’autres avant ont jeté ce qui les tenait à cran. Ni le temps de se demander jusqu’où pour se trouver il faudrait chercher – jusqu’où, maintenant, entre ces draps, ces deux corps peuvent-ils espérer en finir avec ce qui les tient en otages, cette furie qui les a fait se lever dans la nuit, fumer des cigarettes quelques heures, chercher déjà en fouillant entre les jambes une accalmie qui n’est pas venue et trébucher sur les images de seins, de membres dilatés et de ceux des hommes dans la nuit, qui attendent quelque part, comme les femmes dans les bars et dans les manteaux qu’elles entrouvrent sur les résilles et les rondeurs. Il faut chercher la nuit, le jour. Le secret est là, quelque part, qui tient dans ces corps qui cherchent aussi, sous les lunettes de soleil et dans les laveries automatiques, à la terrasse des cafés, les regards silencieux et les mains bavardes, des figures muettes et des gueules grandes ouvertes qui font tapage de ce qu’il est trop dur de tenir seul dans sa peau. »