d'abord
l'image
numérique
projetée
numériquement
le principe de réalité
nulle possibilité
pour le spectateur
de s'inscrire
dans l'espace
noir
et vide
qui sépare
deux images
puisque la pelliculle
n'existe pas
la télévision
dans son abus d'autorité
harcèlement moral
seule la conscience
historique
cinématographique
me permets
de me projeter
différement
dans ce contexte technique
qui s'impose
qui m'impose
de
voir
de cette manière là
je me souviens
du photographe
sans doute
persisteront
seules
ces plans fixes
temp arrêté
ou proche de l'être
là
dans le mouvement continu
de l'enregistrement
une autopsie du paysage
dans le cadre
plan de coupe
une séparation
surtout
cette question
franche
évidente
à laquelle il ne peut
évidemment
répondre
en vérité
le renoncement
devant une image
totale de soi
à la netteté impossible
-
-
Mais où ils sont ... mais où ils sont ... mais où ils sont les black blanc beur la la la la la
J'ai fait un rêve
21h
le samedi 1er juillet 2006
l'équipe de France de football
affronte
l'équipe du Brésil
coup de sifflet
de l'arbitre
mise en jeu
le match commence
les joueurs de l'équipe de France
restent immobiles
l'équipe du Brésil
ne comprend pas
mais
va droit au but
et marque
Fabien Barthez n'a pas bougé
lui non plus
remise en jeu
pour l'équipe de France
aucun joueur français
ne se déplace
vers le rond central
pour l'effectuer
Raymond Domenech
ne comprend pas
il crie
les supporters sifflent
devant leurs télévisions
les téléspectateurs
crient
gueulent
s'étranglent à hurler
on voit à l'image
l'arbitre
qui va voir Zidane
capitaine de l'équipe de France
lui parle face à face
on voit Zidane
qui ne répond rien
mais fait un signe
aux joueurs de son équipe
de manière synchrone
ils enlèvent
ensemble
leur maillot
de l'équipe de France
chacun porte alors un t-shirt blanc
sur lequel
il est écrit
POUR PROTESTER CONTRE LA POLITIQUE D'IMMIGRATION FRANCAISE -
Aimer, s'aimer, nous aimer / Du 11 septembre au 21 avril_Bernard Stiegler_Galilée_2003
L'audience mondiale
Nos "consciences" sont médiatiquement bombardées par les industries culturelles, dont les entreprises de presse inscrites dans ce qu'on appelle "les médias" sont de moins en moins différenciables - et l'honneur de la noble profession de journaliste se mesurera à l'avenir à l'aune de la capacité des uns et des autres à s'en distinguer. Or, nos consciences sont ainsi "bombardées" en tant qu'elles sont les consciences de nos corps et que nos corps consomment. Il s'agit, et ce, en vue de réaliser les économies d'échelle industrielles que permettent les marchés de masse, de synchroniser les comportements de ces corps à travers ces consciences formant un matériau industriel, qui est à vendre sous le nom de ce que Thierry Gaudin appelait, il y a déjà une bonne quinzaine d'années, des "audiences". Ces audiences ont un prix : elles constituent des méta-marchés. Le marché - celui des pâtes dentifrice, des téléphones mobiles, des options sur les voitures - passe par le méta-marché des audiences. Si vous voulez installer un produit sur le marché, le problème est moins d'avoir une bonne productivité industrielle, ou un produit vraiment inventif, que d'avoir accès à un marché où vous pourrez augmenter vos marges grâce à des économies d'échelle. Il s'agit d'obtenir des audiences toujours plus vastes parce qu'au stade actuel de la guerre économique, pour amortir les investissements industriels, il faut viser des marchés mondiaux, et c'est pourquoi la calendarité devient inexorablement celle des systèmes de synchronisation mondiale. C'est le sens historique de la Coupe du monde de football*, l'un des premiers évènements véritablement mondiaux, devenu, au cours des dernières décennies, un évènement typique de l'appareil de consommation, au nom de cette pratique antique, et éminente quant au narcissisme primordial du nous, que fut autrefois le sport.
*La Coupe du monde de football fut créée en 1930 dans un but essentiellement sportif. Mais elle est devenue, avec la télévision, un vecteur essentiel de la calendarité mondiale mise au service de la consommation. Le chiffre d'affaire annuel, mondial, du football est aujourd'hui de 200 milliards d'euros.